La Côte d’Azur recèle de bâtiments à l’aura mythique. Des villas Côte dAzur d’exception, des musées uniques, et des hôtels marqués par l’histoire ont à leur tour imprimé leur empreinte sur la Riviera. Le plus connu d’entre eux, le Negresco, est remarquable par de nombreux aspects.
Fruit de la volonté d’un des plus fameux maîtres d’hôtel de son temps, Henri Negrescu, et des talents de l’architecte Édouard-Jean Niermans, le Negresco voit le jour en 1913, après trois années d’études et d’édifications (tant administratives que de constructions). Dès son ouverture, Henri Negresco a souhaité en faire un hôtel moderne, avec des installations jusqu’alors inédites comme l’aspiration par air et les commutateurs électriques, mais aussi un endroit riche d’œuvres d’art pour orner les bâtiments à l’architecture très particulière. En témoigne la verrière, classée aux monuments historiques, de même que les façades et toitures, reconnaissables de très loin sur la Promenade des Anglais.
Pendant quelques courtes années, l’hôtel connait l’opulence. Des célébrités et des aristocrates viennent y passer des séjours mais dès la Première Guerre Mondiale, il est réquisitionné comme hôpital militaire. La Seconde Guerre Mondiale n’est pas une sinécure non plus pour le bâtiment, et son propriétaire ruiné est contraint de le revendre. Entre 1920 et 1957, l’hôtel périclite entre les mains d’une société d’hôtels belge.
En 1957, le renouveau guette le Negresco, par le truchement d’un hasard de la vie. Jeanne Mesnage, épouse Augier, recherche une résidence qui puisse accueillir sa mère, contrainte de se déplacer en fauteuil roulant suite à une opération malheureuse. Il se trouve que le Negresco est le seul sur la Côte à disposer d’un ascenseur. Ni une, ni deux, la famille achète tout le bâtiment, où Jeanne passera sa vie à monter l’hôtel-musée tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Jeanne Augier prend en main le Negresco. Elle fait restaurer l’ensemble des façades, le dôme rose et la verrière si particulière. Elle décide d’une décoration en décalage avec les standards de l’époque et les chambres s’habillent de rose, de vert et de jaune vifs, avec des murs tapissés de soie et des meubles parfois très kitchs. Dans le même temps, elle parvient à constituer une collection d’œuvres d’art tout aussi hétéroclite, à la mesure de son excentricité. Des portraits de rois de France côtoient des œuvres typiques de Niki de Saint-Phalle. L’âme du Negresco, désormais, c’est Jeanne Augier. Cette dame a su attirer les plus grands noms de l’art et de la politique. Dali est un ami fidèle, Cocteau admire le goût de l’hôtesse, Grace et Rainier de Monaco viennent s’échapper de la principauté le temps d’un dîner, Richard Burton et Liz Taylor filent le parfait amour, Charles Aznavour et Charles Trenet viennent y fêter leurs anniversaires, Michael Jackson travaille ses pas de danse sur la piste spécialement installée pour lui, Bill Gates laisse un chèque en blanc pour don.
Jusqu’aux uniformes décalés des employés, la propriétaire décide de tout ce que l’hôtel paraît. Les 6 000 œuvres d’art et le bâtiment lui-même attendent de fait les visiteurs, sinon les clients, pour les émerveiller de leur splendeur.